La Pastorale de Fos

Année de publication: 1975

 

LO TEATRE DE LA CARRIERA       La Pastorale de Fos, Théâtre populaire occitan, collection "Théâtre hors la France",  P. J. Oswald,  juillet 1975. -118p.

Le texte a été achevé d'écrire en juin 1975. La pièce a été créée après quatre mois d'enquêtes sur la région de Fos-Étang de Berre, en collaboration avec les centres culturels de Martigues et d'Arles. C'est une peinture de l'industrialisation qui s'empara de cette zone de 1970 à 1973, et de ses conséquences.

Création de Lo Teatre de la Carriera, le 12 juillet 1975, au Théâtre des Carmes dans le cadre du festival d'Avignon off. Texte de Claude Alranq, mise en scène de Jean-Pierre Agazar et Claude Alranq, scénographie de Michel Strauss, musique de Jean-Marie Carlotti, avec Jean-Pierre Agazar (Codon), Claude Alranq (Chichois), Catherine Bonafé (Bartomieta), Marie-Hélène Bonafé (Mireille), Anne Clément-Bénichou (La fée Titène, La Badache), Jean-Marie Lamblard (Nostradamus), Mohamed Rabia (Boumian), Charles Robillard (Le préfet).

Voir Archive INA du 5 août 1975  https://fresques.ina.fr/borbolh-occitan-fr/fiche-media/Occita00073/le-theatre-de-la-carriera-et-la-pastorale-de-fos.html

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Ci-dessous, Ouverture du Festival d'Avignon, farce irlandaise, fable provençale, article de Colette Godard paru dans Le Monde, 15 juillet 1975.                                                                                                  "(...)  la cour d'honneur est un endroit exceptionnel par son passé autant que par ses dimensions. C'est là que tout est né, que s'est formé le mythe. Le lyrisme de la nuit, le mystère des trois mille souffles retenus, les grandioses murailles, cachent bien des pièges.Guy Rétoré, qui a ouvert le feu avec " Coquin de coq ", de Sean O'Casey, n'en a pratiquement évité aucun. Au lieu d'occuper le plateau, il a voulu le réduire. Il cerne une aire de jeu sur laquelle Michel Raffaëlli a construit une sorte de machine tournante qui n'est pas tellement utilisée, et les comédiens semblent étriqués, perdus dans le vide. La pièce, une farce poétique, dénonce vigoureusement l'hypocrisie du puritanisme, les faux mystères de la superstition, si pratique pour maintenir le peuple dans l'ignorance et la soumission. Justement ici, entre ces murs et cette foule suspendus ensemble dans la nuit, il y a quelque chose qui appelle sinon le miracle, tout au moins l'étrange.
O'Casey joue sur la dialectique entre une réalité que l'on ne voit pas, puisque les personnages s'aveuglent, et leur faconde, leurs affabulations délirantes, puisqu'ils inventent des histoires à faire peur pour fuir leur peur du réel. La pièce ne suit pas une ligne dramatique continue ; elle est faite de départs, de ruptures, de glissements. Il est vraiment difficile ici, dans ce lieu immense, d'établir le contact avec des ambiguïtés. Le spectacle s'enlise, malgré les gesticulations clownesques d'Henri Virlojeux (propriétaire avare et roublard), malgré la tendre naïveté de Michel Robin (vieux druide chrétien), malgré l'élégance coupante de Jean-Claude Jay, curé fanatique. De toute façon, pour une fois, dans " Coquin de coq ", ce sont les femmes qui mènent, qui portent la lumière ; c'est par elles que passe la vérité. Et la mise en scène les maltraite, les enlaidit. Ici, plus que dans tout autre lieu, c'est détruire la pièce.

Au Cloître des Carmes, c'est la Carriera, troupe occitane militante, qui ouvre le feu avec " la Pastorale de Fos ". Autant O'Casey dénonce les méfaits de traditions mal comprises, mal utilisées, autant la Carriera mise sur la puissance de la tradition, sauvegardée pour la défense de la culture et de l'économie.                                                                           " La Pastorale " montre les Occitans, petits propriétaires, petits artisans, pris entre la pollution et la construction, ballottés entre les magouillages commerciaux et politiques, bernés, contraints de se vendre, de vendre leur avenir aux puissants. La conscience vient avec le malheur. Les petits bourgeois se trouvent solidaires des ouvriers immigrés qui construisent les chantiers, puis se font licencier, et qui ont acquis une expérience politique. Et le spectacle se termine sur un Noël provençal, enchaîné avec l' " Internationale " .                                                        La fable se déroule dans un bariolage de farce, avec des masques, des personnages – stéréotypes, – guignols déchaînés débordant de truculence, un raz de marée plein de rires, fort de son authenticité. Pour établir le spectacle, la troupe a mené une enquête auprès des habitants de Martigues et aussi en Camargue, dans le pays d'Arles, pour retrouver les traditions vivantes. Elle a construit plusieurs versions qu'elle a présentées et modifiées selon les réflexions du public. D'où sa solidité, son assurance joyeuse. Pourtant, totalement engagée dans une situation complexe, où le chauvinisme, l'appel au passé, deviennent parfois des armes défensives, elle a du mal à prendre un recul suffisant, d'autant plus qu'elle tient à exposer toutes les données du problème. Les comédiens se laissent entraîner dans le manichéisme propre au style farce, qu'ils ne dominent pas encore assez, de sorte que leur propos apparaît à la fois simpliste et un peu confus. Mais leur plaisir est trop évident, et ils le font partager avec trop de générosité, pour laisser indifférent. Après la représentation, le dialogue continue et on voit aux questions, aux reproches parfois violents, qu'ils ont touché fort, même si le tir n'est pas toujours précis."