La Chine entre à l’Onu

Année de publication: 1971

 

BENEDETTO André     La Chine entre à l’Onu, collection "Théâtre en France", P. J. Oswald, décembre 1971.- 66p.

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La Chine entre à l'ONU d’André Benedetto par Martin Even, Le Monde, 18 décembre 1971.

 Avignon. - Le théâtre vit : Benedetto le crie, il l'affirme. Sur la scène du Théâtre des Carmes. Quand Avignon s'endort sur ses lauriers saisonniers, lorsque le spectacle a disparu de la cour d'honneur, comme le melon de l'étal du marchand de fruits et légumes, il monte, impromptu, une pièce - est-ce une pièce, au fait ? - et la joue deux fois par jour, à 19 heures et à 21 heures toute la semaine, sauf le dimanche.

La Chine entre à l'ONU. Le titre l'indique : c'est du théâtre-journal. De l'idée de la pièce à l'idée sur le papier, du mot au geste et du geste au décor - une carte du monde, - le temps de répéter, enfin, tout s'est fait en un mois. Les costumes sont ceux d'anciens spectacles. La mise en scène, on entre à gauche, on sort à droite. Les impérialistes (le "général" Motors, le président Nixon, son conseiller Kissinger, l'ambassadeur Ralph Bunche, prononcez tous les noms avec l'accent du midi) sont des clowns. Le maréchal Tchiang Kaï-chek, une triste marionnette. Vient ensuite la cohorte des victimes (un seul visage, celui de Georges Benedetto), l'ouvrier Morton, le G.I. Sam Suffit, et Charlie Vietcong. Sans oublier au commencement et à la fin de tout, M. Chou En-lai, professeur en dialectique, qui dirige le jeu : double jeu, car il s'agit de savoir qui est vainqueur. La Chine qui entre à l'ONU ? Ou l'impérialisme américain qui a ouvert les portes des " Nations-z'unies-z'à nous " à l'épouvantail chinois...

L'auteur, André Benedetto, qui interprète le président Nixon, mais parle par Chou En-lai, ne dit pas où vont ses sympathies. Il les montre. Ce n'est pas la Comédie-Française, le calembour côtoie la poésie, et Benedetto écrit : " Il y a la réalité et ce que nous en faisons, c'est une production critique, et ce n'est pas une reproduction. Qu'est-ce que le réalisme ? Une calomnie. "

La salle déjà petite du Théâtre des Carmes est encore réduite pour les nécessités du jeu. Elle est divisée en deux aires : les rangs face à la scène pour la représentation et, en rond, sur le côté, des bancs pour le débat, rebondissement didactique, et finalité du spectacle. Le style tréteaux convient à la nouvelle compagnie. Le spectacle dure quarante-cinq minutes. Le débat, deux fois plus. Tous les soirs, on parle du Pakistan.

Martin EVEN.