La Terre battue

Année de publication: 1971

 

BOUHADA   Boudjema  La Terre battue, collection "Théâtre africain", n°18,  P. J. Oswald, juillet 1972.-71p.

Création au Cloître des Carmes durant le XXVIème festival d'Avignon, les 11, 12, 13, 15, 16, 17 juillet 1972, mise en scène de  Boudjema Bouhada, avec Huguette Faget, Mireille Franchino, Malika Kadri, Danielle Van Bercheycke, Hervé Denis, Akonio Dolo, Alain Frérot, Claude Merlin et Alain Viguier. Une production du Théâtre de la Tempête.

Ci-dessous, un article de Louis Dandrel, paru dans Le Monde du 18 juillet 1972. « Les règles, une fois encore, seront précises. Le programme officiel du vingt-sixième Festival et les parades nocturnes des compagnies " marginales " délimitent l'aire de jeu où le théâtre contemporain va montrer ses pouvoirs de métamorphose. Les haut-parleurs des voitures et des autobus bariolés, les hérauts costumés des défilés promettent la participation, la magie, proclament l'improvisation, la création libre ; les affiches en caractères " T.N.P. " se réclament des auteurs morts ou vivants, Sophocle, Shakespeare, Brecht, Bouhada. Les premières lignes sont tracées ; le sens des échanges reste le même. Le Théâtre de la Tempête, que dirige Jean-Marie Serreau, présente en ouverture du Festival une pièce d'un jeune auteur algérien, Boudjama Bouhada, la Terre battue. Poème politique, parabole, manifeste, l'œuvre, comme un premier roman, semble biographique. Les souvenirs d'une enfance passée dans une Algérie " en paix " et " en guerre " - Bouhada a trente et un ans - ont marqué ce curieux récit d'une révolte de paysans misérables. Souvenirs encore trop violents pour que Bouhada ait pu les ordonner, mais dont la réalité a une valeur de témoignage. Le petit peuple est son porte-parole : des hommes vivant d'une terre hostile, creusant des tranchées comme des somnambules au rythme d'un sifflet ; des femmes qui n'ont d'autre espoir que de regarder grandir leurs enfants, des poupées de chiffon.    " Quel temps fait-il dehors ? - Il fait bidonville. " Un chef dérisoire juché sur un cheval de bois incarne l'ordre ancien, celui de la soumission; un camion-char d'assaut, l'ordre nouveau, celui de la répression. S'en libérer c'est d'abord " prendre la parole ", puis " rendre coup pour coup ". Les armes ? La haine et la surprise, qui finissent par triompher. L'écriture de Bouhada oscille entre le symbole et le langage quotidien. Elle abonde en images et en maximes, dans des phrases qui s'enchaînent avec hâte et qui semblent craindre l'indigence. La berceuse pourtant lui sied mieux que l'imprécation, lancée sur un ton de vocifération par des comédiens mal à l'aise. Sa pensée elle aussi passe de la méditation à la dénonciation violente, mais avec incertitude, rompant souvent le mouvement dramatique qu'elle voudrait créer. La mise en scène - dont il est l'auteur - n'a guère de prise sur cet argument volontairement dépouillé de tous les artifices du théâtre. Et l'économie de la représentation suppose une rigueur de forme que la Terre battue ne possède pas. Bouhada a la conscience d'un "auteur". Sa première pièce est un essai dont on ne retient que les instants de poésie et les accents de sincérité. »