Théâtre algérien

Année de publication: 1962

 

KRÉA Henri       Théâtre algérien : Le Séisme – Au bord de la rivière, préface de Michel Habart, illustration d’Abdelkader Farrah, vingtième volume de la collection "L’aube dissout les monstres” dirigée par Pierre Jean Oswald, Société nationale d’édition et de diffusion, 10, rue de Russie, Tunis, achevé d'imprimer par l'imprimerie A. Boulouednine (Tunis), en juin 1962. -181p, ill. En quatrième de couverture, il est indiqué que les titres de la collection sont diffusés en Afrique par la SNED (Tunis), en France par les éditions François Maspero (Paris), en Suisse par les éditions La Cité (Lausanne) dirigées par Nils Andersson. 

En 1962, on retrouve Pierre-Jean Oswald, directeur de collection pour la SNED, installée à Tunis. Il a  dû quitter ses locaux situés 13, rue Charles-V, Paris (4ème), son imprimerie, la France. "J'ai tout perdu plusieurs fois. La première, c'était en 1961, j’avais tenu bon, à un rythme de publication modeste, jusqu'à cette date : une dizaine d'auteurs importants en dix ans, une cinquantaine de livres parus. Juste de quoi attirer l'attention, surtout en publiant dès 1957 les poètes de la Révolution algérienne. Ce qui me valut rapidement des propositions d'un autre ordre, venues celles-là de la Fédération de France du F.L.N. et de certaines personnes « mal famées » du genre de Francis Jeanson : l'éditeur Oswald publiait les poètes algériens, l'imprimeur Oswald ne devait-il pas aider tout le peuple algérien ? Ce que je fis en imprimant des tracts du F.L.N., des revues comme « Vérité-Liberté » et « Vérité Pour ». La police finit par s'en apercevoir. Plutôt que de passer des années en taule — quand allait se terminer la guerre d'Algérie ? — je passai la frontière. Tout fut perdu : le local, le bail, le matériel et presque tout le stock. Seul François Maspero réussit à sauver quelques centaines de mes livres et une pile de manuscrits. Mais tout le reste des bouquins et des archives fut saisi par la police. Ils doivent encore se trouver dans les sous-sols de la préfecture de police : une bonne adresse pour les bibliophiles ! " (Entretien avec Jean-Paul Liégeois paru dans L'Unité, n°228, 3 décembre 1976).

Théâtre algérien s'ouvre avec une préface de Michel Habart qui s’insurge contre “un lieu commun : les peuples musulmans, le Maghreb, n’ont pas de théâtre, l’Islam paralyse la création dramatique.” Il contient deux pièces. La première, Le séisme, a été précédemment éditée à Paris par Oswald en 1958. La seconde, Au bord de la rivière, a été écrite entre janvier 1958 et septembre 1961.

Très différente stylistiquement de Le Séisme (tragédie), Au bord de la rivière (farce) est basée elle-aussi sur une métaphore empruntée à un phénomène naturel : la crue qui nettoie. C'est une pièce en deux actes. Acte 1. Au bord d’un oued à sec, deux déclassés, des marginaux sans travail, Le Vieux et La Jeunesse.  Le Vieux, fumeur de kif,  ramasse des mégots : “Aujourd’hui, on ne sait plus rouler les cigarettes de haschich. Les moeurs se dégradent...Trois cents mégots, cent cigarettes. Avec cent cigarettes, j’achète un kilo, un peigne fin et cinq morceaux de kif. C’est clair.” La Jeunesse, joueur de pipeau : “J’ai réussi. On m’appelle Monsieur et non Mohammed.” Ces deux personnages pourraient rapidement laisser croire qu’on est dans une variante d’En attendant Godot quand arrivent deux autres personnages : Concita, une jeune gitane bien roulée qui rêve de faire du cinéma, et le Bachagha, ex-conseiller municipal à qui les deux autres ont bu sa part de vin. S’il y a farce, elle est notamment dans ce personnage, nommé par dérision “bachaga”, le terme de “bachaga” désignant un haut dignitaire. Arrive le Propriétaire qui vient réclamer les loyers. Il va être appuyé par le Bachagha à qui il explique qu’il ne peut être réintégré à la mairie parce qu’il s’est trop servi dans les caisses.  Acte 2. L’oued est en crue. Le Propriétaire, parti chercher du renfort, revient en jeep amphibie avec le Gouverneur et le Commissaire. Mais la jeep se coince sur un rocher. Le Vieux la fait basculer dans la rivière en crue qui emporte tous ses occupants. “C’est simple comme bonjour. À partir du  moment où on a compris que ces gens-là ne valent rien du tout et qu’ils sont la cause de nos malheurs, par mes ancêtres, tout coule de source.” “La crue est terminée. En somme, elle a fait un bon nettoyage. Ces fleuves nous ressemblent, que diable. On s’imagine que l’on est endormi et ce n’est qu’une illusion pour ceux qui détiennent la puissance.” Tous les trois vont se remettre en mouvement, quitter le bord de la rivière. Le Vieux part rejoindre les gitans de la tribu de Carracalla. Concita et Mohammed, s’étant débarrassés des préjugés de race, partent pour la ville où lui pense trouver un emploi au port comme docker.

Création le 15 juillet 1976 à Octon (Hérault) par Le Théâtre sur la place, mise en scène de Michel Demiautte, avec Gérard Berregard (Le Vieux), Jean-Pierre Thiercelin (La Jeunesse), Monique Tostee (Conchita), Jean Janin (Le contrôleur), André Fetet (Le propriétaire), Alain Kerwal (L'administrateur), Dominique Foucher (Marianne).

P.-J. Oswald ne rééditera plus apparemment de théâtre avant juin 1967 et le lancement en France - 16, rue des Capucins, Honfleur - de la collection "Théâtre africain" avec L’ exil d’Albouri - La décision de Sidi Ahmed Cheik Ndao

Georges Perpes.

Le peu que je sais sur Pierre-Jean Oswald : 1 Sacher-Masoch ou Le Christ orphelin   2 Le Séisme   3 Complainte des mendiants arabes de la Casbah  4 Théâtre algérien  5 L’ exil d’Albouri   6 Reflets.