Safarirama – Pour des raisons de cœur

Année de publication: 1975

 

POMMERET  Xavier        Safarirama – Pour des raisons de cœur, couverture de Michel Raffaëlli, texte en quatrième de couverture de Antoine Vitez, collection "Théâtre en France", P. J. Oswald, janvier 1975. -205p.

Pour des raisons de coeur. Pièce en cinq tableaux. Première partie. En Algérie, 24 décembre 1957, veille de Noël. Trois militaires et deux civils viennent d’être égorgés par des combattants algériens sous le commandement de Amirouche (Aït Hamouda), colonel de l'Armée de libération nationale (ALN) et chef de la wilaya III. Quérou, commandant de secteur dans l’ouest constantinois, décide une opération militaire pour s’en emparer. Un prisonnier a été arrêté, il faut le faire parler. Explosion d’une bombe au Milk Bar, Alger. Dans une grotte, refuge du F.L.N., un jeune médecin parle avec lyrisme de sa patrie à ses compagnons. Dans une ferme, d'honnêtes colons accueillent un jeune appelé. Deuxième partie. Dans un dortoir. Bientôt la quille. Les bidasses décident de jouer au tribunal militaire. Alcool aidant en ce soir de réveillon, ils se prennent au jeu : l’appelé Michel devient le rebelle Amirouche et défend avec une si grande passion sa vérité qu'il devient aux yeux de ses camarades l'ennemi : le président du Tribunal le tue. 

Création par le Théâtre Quotidien de Marseille du 22 décembre 1960 au 11 février 1961 (lundi relâche), rue Montgrand. Mise en scène de Roland Monod, assistant Jean Joannes, décors de Michel Raffaëlli, réalisés par Guy Raulin et Nic Di Yorgi, costumes civils exécutés par Renée Perrachon, régie de Guy Raulin et Robert Lefevre, avec Pierre Vial (Commandant Quérou), Roland Monod (Capitaine Reticabre), Pierre Gavarry (Gérard Maurin), Michel Touraille (Boukroufa), Michèle Moreti (Myriem), Dominique Dullin (Djamila), Roland Berrieux (Pierre), Aimée Bost (Marie), Gilbert Levy (Jean Abadia), Jean Joannes (Michel), Olivier Belnet (Alain), Jean-Pierre Garson (Jacques).Les quatre parabases étaient dites par Antoine Vitez.                               

Dans Le Monde du 27 janvier 1961, Bertrand Poirot-Delpech écrit :  « Marseille, ...janvier.  Comme le T.N.P. et les centres régionaux, une poignée de jeunes apôtres s'échinent à prouver à un million de Marseillais que le théâtre vaut mieux que quelques tournées de luxe. Leurs moyens sont ceux des catacombes : une salle miniature prêtée par la mairie, des textes anciens ou âpres, une ferveur et un détachement monastiques. Mais la foi paie : en cinq ans, le " Théâtre quotidien " de Michel Fontayne et Roland Monod a montré une quinzaine de pièces à plus de quarante mille personnes ; usines et écoles commencent à adopter la troupe, pour son éclectisme même. L'an passé, la création mondiale des Viaducs de la Seine-et-Oise, de Marguerite Duras, était un triomphe, hier encore, on refusait du monde à la Religieuse, d'après Diderot ; de quoi confondre les marchands de spectacles pas fatigants ! Depuis un mois la petite équipe de la rue Montgrand joue d'audace. Chaque soir, elle répète à haute voix toutes les vérités, connues, mais pudiquement éludées, du drame algérien. Un commandant s'interroge sans fard sur les nécessités et les laideurs du "nettoyage" ; des rappelés tremblent au soir de leurs premiers coups au but ; des colons prêchent désespérément la " manière forte "; des rebelles chantent leurs sacrifices. Au début, on a craint le pire. La presse locale s'est tue. Au moindre incident, les autorités renonceraient à leur tolérance. Il y a eu des menaces. Mais rien ne s'est passé, et des salles pleines reçoivent calmement, presque religieusement, le brutal témoignage. Car c'est d'un témoignage qu'il s'agit. L'auteur, Xavier Pommeret, ne fait que rapporter ce qu'il a vu, entendu et senti. Jeune étudiant chrétien, il s'était engagé vers 1956 avec l'idée de défendre l'Occident contre une subversion communiste larvée et il a cru découvrir " autre chose " : des patriotes enflammés par nos propres idéaux et menant - " pour des raisons de cœur " - une lutte populaire impossible à décourager. Esthétiquement la pièce a le défaut, contenu dans le propos même, de figurer le dossier trop connu du drame algérien par des saynètes et des développements un peu trop statiques et stéréotypés Comme dans la récente pièce de Jules Roy sur l'Indochine, l'assemblage de situations et de tirades exemplaires nuit à la vraisemblance et à l'intensité dramatique ; comme si le genre même du débat de conscience illustré convenait mal à la scène. Mais lorsque l'auteur " transpose " la réalité et exprime son propre désarroi par la fiction, nous vivons quelques minutes de beau théâtre. Au cours d'un simulacre de procès auquel s'amusent des rappelés pris de vin, le soldat qui incarne le fellaga défend la révolte de façon si poignante que le président, hors de lui, l'abat d'une rafale. On ne pouvait traduire plus dramatiquement que par cette sorte de psychodrame l'absurdité fratricide des combats. Et puis, c'est très bien joué. Dans des décors économiquement symboliques de Michel Raffaelli, Roland Monod a conçu la mise en scène à la fois pathétique et neutre qui convenait pour respecta l'actualité trop brûlante du débat. Pierre Vial, Pierre Gavarry, Michel Touraille, Dominique Dullin et Jean Joannès - émouvante victime du malentendu final - éprouvent avec infiniment de tact le déchirement ressenti par l'auteur et ses modèles. On ne trahit personne en prenant le théâtre pour une tribune libre. Le théâtre moins que personne. »

La création avait été précédée le 6 janvier 1959 par une lecture publique avec Stéphane Ariel, Loleh Bellon, Jacqueline Dane, Bernard Fresson, Sami Frey, Gilles Léger, Madeleine Marion, Elie Pressmann, Étienne de Swarte, Gilbert Vilhon, Antoine Vitez.

"La seule oeuvre d’un auteur français jouée pendant la guerre d’Algérie, qui prît parti contre cette guerre et pour la cause du peuple algérien” rappelle Antoine Vitez. Sur le T.Q.M., voir Théâtre populaire, n°45, 1962 (p. 99 à 120) ainsI que Côté Cour Côté Soleil T.Q.M. 1956-1964 de Jacqueline Dellatana et Georges Guarracino (Transbordeurs, 2006).

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Safarirama, pièce sur le Vietnam, écrite en 1971-1972 et non jouée.   

Parmi les "pièces de guerre" éditées par P.J. Oswald, voir Le Sang des feuilles mortes de Numa Sadoul,  sur la guerre du Vietnam, Napalm et Chant funèbre pour un soldat américain d'André Benedetto,  Exemplaire histoire de la condamnation de la grâce puis de l’élection du lieutenant William Calley  de Jean-Pierre Bisson.