Place Thiers, chronique des temps de la Commune de Paris vus de province

Année de publication: 1971

 

BIRSTER Yvon  Place Thiers, chronique des temps de la Commune de Paris vus de province, dessin de couverture d'Alfred Le Petit (1841-1909), au verso photo de Michel Ono-dit-Biot, note d'intention de Bernard Mounier, série "Théâtre en France", P. J. Oswald, janvier 1971. -93p, ill.

Texte de la pièce avec les indications scéniques de Bernard Mounier, des documents sur la Commune, un cahier de photos de scène noir et blanc de Michel Ono-dit-Biot, une bibliographie et les paroles des principaux chants de la Commune (Chant des ouvriers de Pierre Dupont, Chant de la canaille de J. Darcier et A. Bouvier, Chant "Vive la Commune" de Chatelain, Le temps des cerises, La Semaine sanglante de Jean-Baptiste Clément, L'Internationale d'Eugène Pottier).

Après avoir été ouvrière de filature puis domestique, Amanda (20 ans) quitte Graville pour aller à Paris où elle arrive en juillet 1870, quelques jours avant la déclaration de guerre à la Prusse (19 juillet). Elle y  rencontre un ouvrier, Charles-François. À Paris, elle apprend la capitulation de l'Empire suite à la défaite de Sedan (2 septembre), est témoin de la proclamation de la troisième République (4 septembre), du départ de l'Assemblée à Versailles puis de la proclamation de la Commune. L'action se déplace ensuite à Graville puis au Havre où Charles-François, envoyé par la Commune, a mission d'informer exactement sur ce qui se passe à Paris et d'obtenir des soutiens de la province. " La misère seule n'est pas révolutionnaire. Ce qui manque ici, c'est le sentiment que la France est trahie, livrée à l'ennemi par des gens qui n'ont de souci que pour leur argent. Voilà ce qui anime Paris, et qu'on ne sent pas ailleurs." Au port du Havre, il rencontre un soldat fait prisonnier à Sedan et libéré comme d'autres par Bismarck. Il tente en vain de le convaincre de ne pas rejoindre le camp des Versaillais. Il fait surtout connaissance de Lajoie, un bateleur-chanteur ambulant qui va lui permettre, sous couvert de théâtre, d'exprimer ses idées en public. " - Si je suis comédien, j'ai le droit de narguer les bourgeois, de baguenauder où ça me plaît, et de dire ce que je veux. - Non, tu ne l'as pas, tu le prends !" Tous les deux arrivent à Paris le 22 mai 1871, début de" la semaine sanglante".  "25 000 fusillés, 28 000 prisonniers, 13 000 déportés." Arrêtés, internés à Satory, ils seront déportés en Nouvelle - Calédonie où ils passeront huit ans et fonderont un théâtre en plein air, avant de revenir au Havre et de retrouver Amanda.

- 18 mars 1871, Paris s'est levé en armes.                                                      
- 28 mai 1871, Paris n'est plus Paris.                                                            
 -18 mars, 28 mai, 72 jours de printemps, autrement dit.                                
 - La Commune de Paris.                                                                                
 - En Mai tout finit et tout commence. 

Pièce créée au Havre le 7 octobre 1970, dans une mise en scène de Bernard Mounier, par les comédiens du Théâtre de la Salamandre, avec Gildas Bourdet (Le narrateur, Thiers, un homme du peuple), Paul-Jacques Guiot (L'instituteur, Napoléon III, Jules Favre), Annick Auger (Amanda), Anny Perrot (La marraine d'Amanda, une femme du peuple, l'Assemblée), Guy Perrot (Charles-François, un garde national), Michel Valmer (Lajoie, un homme du peuple), André Guittier (Le régisseur, un soldat). Comme précédemment la même année avec Emballage d'André Benedetto puis en 1972 avec 40-45, Scènes de la résistance populaire d'Yvon Birster, la pièce est le résultat d'une commande d'écriture de la Maison de la Culture du Havre, dirigée par Bernard Mounier. Précédemment, en octobre 1968, Mounier avait proposé à la compagnie Tableau gris - fondée en 1961 par Paul-Jacques Guiot et qui devient La Salamandre  en 1969 -  une tournée dans les foyers de jeunes travailleurs avec deux pièces d'Yvon Birster (Le Marchand de sagesse et Vache de mouche).

Les vingt premières représentations de Place Thiers, montée en trois semaines, furent jouées dans le cadre de l'exposition "Centenaire 1870-1871", organisée par le service des archives de la ville du Havre. Au même moment, une polémique divisait les Havrais : le projet de la municipalité de donner le nom de Charles de Gaulle à la place Thiers, "place de stationnement, de fête foraine, de marché et où se trouvent les vespasiennes."

Ci-dessous un article de C.S. dans Le Monde du 16 octobre 1970. «  Le Havre. Grâce à Yvon Birster, auteur du spectacle-parade Place Thiers, donné actuellement chaque soir par la maison de la culture, dans les salons de l'hôtel de ville du Havre, l'histoire descend sur la scène. Et le public applaudit. Mais ce n'est pas l'histoire des manuels qui a inspiré le Havrais Yvon Birster. Sa pièce a été écrite à partir des archives dépouillées pendant plusieurs mois. Des archives du Havre, bien entendu, car l'auteur a pris le parti de nous montrer les événements de la Commune de Paris vus de la province, en l'occurrence du Havre. Le résultat est une œuvre fort brutale et héroïque, mais parfois touchante, avec même la petite fleur bleue des amours ouvrières. Malgré l'imbrication constante de l'histoire locale dans l'histoire nationale, la pièce reste claire et elle est accessible à tous. Il faut d'ailleurs ajouter que le jeu des acteurs du théâtre de la Salamandre est à la fois passionné et enthousiaste et qu'un jeune chanteur, Michel Valmer, interprète remarquablement les chansons qui entrecoupent les scènes. Avec un tel sujet, on pouvait craindre qu'Yvon Birster s'engage dans la polémique. Il n'en est rien. Sa pièce, mise en scène par Bernard Mounier, rappelle, bien sûr, les événements sanglants qui ont marqué la chute de la Commune et la répression qui suivit, mais il le fait avec mesure et sobriété. De la même manière, l'auteur a ébauché sans s'y appesantir les raisons profondes de la révolution, la misère ouvrière et l'enthousiasme qui accompagna les premiers temps de l'insurrection. Tout ceci est fait avec délicatesse, et simplicité, grâce à un texte direct mis en valeur par l'équipe de jeunes comédiens. Le spectacle, qui a reçu un accueil très chaleureux du public havrais, sera donné dans la région du début novembre à la fin décembre. Par la suite, à partir de février, Place Thiers sera joué dans plusieurs villes de France, et même à l'étranger, puisque des contacts ont déjà été pris avec la Belgique et la Suisse. » 

Dans le Nouvel Observateur du 2 août 1971, Françoise Kourilsky qui a vu le spectacle, chez Benedetto, au Théâtre des Carmes, le trouve "très juste dans sa démarche" : « Il s’agit d’un spectacle de tréteaux, mobile, léger, qui peut aller partout. Un rideau de fond tiré par les acteurs suffit à indiquer le lieu où se passe l’action et les accessoires sont réduits au minimum. Comme dans le théâtre d’agitation soviétique des années vingt, les acteurs sont en blouse bleue et ils racontent ou revivent, un peu attendrissantes parfois, des scènes de grosse caricature. L’ensemble a beaucoup de clarté et de rigueur, mais on n’échappe pas à un côté "comédiens routiers", du fait de la maladresse de certains acteurs encore inexpérimentés. "Mais, dit Bernard Mounier, directeur de la Maison de la Culture du Havre et metteur en scène de Place Thiers, dans la situation actuelle, ou bien on fait ça ou bien on ne fait rien. Il n’est pas possible de mener à bien un tel travail avec de grands comédiens qui ne formeraient pas un groupe idéologiquement stable."  Il y a une jolie formule dans Place Thiers. Elle est prononcée par un bateleur du temps de la Commune et pourrait être aussi bien la devise du Théâtre de la Salamandre :" Des yeux ouverts sur le monde, c’est ça la comédie." »

 Pierre-Jean Oswald publiera successivement trois autres pièces sur la Commune : Commune de Paris d'André Benedetto, en juillet 1971 ; Lycée Thiers, maternelle Jules Ferry de Xavier Pommeret, en mai 1973 ; Le Printemps de la Sociale d'André Fontaine, en mars 1974.